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Et si mes symptômes n’étaient pas liés au gluten?

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Résumé d'une étude récente

Samedi soir. Vous revenez d’un bon repas au restaurant. Même si vous avez pris soin de faire préparer une assiette sans gluten, vous commencez à ressentir des inconforts abdominaux quelques heures après le repas. Immédiatement, vous vous dites que, malgré toutes les précautions possibles, votre assiette était probablement contaminée au gluten.

Et si ce n’était pas le gluten ?

D’après une étude récente, les personnes cœliaques seraient jusqu’à dix fois plus susceptibles de souffrir de côlon irritable1. Plusieurs de ces personnes sont sensibles aux FODMAPs, des glucides fermentescibles que l’on retrouve dans une panoplie d’aliments et qui peuvent provoquer des symptômes gastro-intestinaux (diarrhée, ballonnements, douleurs, etc.). Il existe aussi ce qu’on appelle l’effet nocebo, un phénomène par lequel des symptômes surviennent lorsqu’on pense avoir consommé une substance nocive. Comment savoir dans ce cas, à quel moment le gluten est réellement en cause?

Un groupe de chercheurs a décidé de pousser la question plus loin2. Selon eux, il y avait un manque de données probantes sur la mécanique qui survient à la suite de l’ingestion accidentelle de gluten. L’objectif de leur recherche était donc de déterminer quels symptômes surviennent plus fréquemment en lien avec la réaction immunitaire causée par l’ingestion de gluten, chez les personnes qui suivent l’alimentation sans gluten. Les chercheurs croient qu’en ayant une meilleure connaissance des symptômes, les patients seraient plus en mesure de cerner les aliments problématiques et les situations à risque de contamination.

Les chercheurs ont recruté 36 patients, en provenance d’une autre étude. Pour être admissibles, les participants devaient suivre le régime sans gluten depuis au moins un an et présenter des symptômes importants après l’ingestion de gluten. Le protocole était le suivant: toutes les deux semaines pendant près de six mois, on attribuait de façon aléatoire un mélange de nourriture à chaque participant. L’un contenait du gluten (6 g) alors que l’autre n’en contenait pas. Le tout était fait à l’aveugle, c’est-à-dire qu’il était impossible pour les participants de savoir lequel des mélanges ils recevaient. Les chercheurs se sont assurés que le mélange sans gluten soit aussi faible en FODMAPs. Leur présence aurait pu déclencher des symptômes et rendre difficile l’analyse des résultats.

Après avoir ingéré le mélange, les participants devaient noter leurs symptômes, ainsi que la gravité de ceux-ci, selon le CeD PRO, un outil d’évaluation des symptômes utilisant une échelle de 1 à 10. Le CeD PRO prend en considération plusieurs symptômes reliés à la maladie cœliaque notamment : nausée, fatigue, diarrhée, douleurs et crampes abdominales, maux de tête, etc.

Des résultats surprenants

Quand les chercheurs ont demandé aux participants quels seraient selon eux les pires symptômes après l’ingestion de gluten, un bon nombre d’entre eux ont répondu la diarrhée et les ballonnements. Et bien, les résultats ont été tout autre.

Quand on analyse les symptômes, autant sur le plan de la fréquence que sur le plan de la sévérité, c’est la nausée qui remporte la palme! C’est 69 % des participants qui ont ressenti de la nausée après avoir consommé le mélange avec gluten contrairement à 11 % seulement après avoir consommé le mélange sans gluten. Le degré de sévérité de la nausée sur l’échelle CeD PRO s’élevait à 5.5 après ingestion de gluten, soit le score le plus élevé parmi tous les symptômes. La présence de vomissements était aussi considérablement plus élevée après l’ingestion de gluten :  près d’un participant sur deux en a souffert.

La fréquence des autres symptômes était à la hausse après la consommation de gluten, mais la différence avec le mélange sans gluten n’était pas significative, contrairement à la nausée et aux vomissements. Autre résultat intrigant après l’ingestion de gluten : les gens qui avaient de la nausée présentaient davantage de symptômes de manière générale (diarrhée, maux de tête, fatigue, douleurs et crampes abdominales) et ceux-ci étaient plus sévères. À l’opposé, en l’absence de nausées, les gens ont ressenti très peu de symptômes. Ils ont rapporté avoir souffert de fatigue et de ballonnements seulement. « C’est un peu comme si la nausée était l’élément dominant d’une série plus complexe de symptômes », observent les auteurs. En moyenne, la nausée survenait 1 h 30 après l’ingestion de gluten, et les vomissements suivaient de près, environ 30 minutes plus tard.
Une autre partie de l’étude consistait à mesurer les taux sanguins d’interleukine-2. Il s’agit d’une substance produite par notre système immunitaire pour nous défendre contre des agents pathogènes. Chez les personnes cœliaques, l’interleukine-2 s’élève après l’ingestion de gluten, confirmant en quelque sorte que le corps de la personne réagit au gluten. Les chercheurs ont noté qu’il y avait une relation significative entre le taux d’interleukine-2 et la présence de nausée et de vomissements. De même, plus le taux d’interleukine-2 était élevé, plus la nausée était sévère. Aucune autre association n’a été démontrée avec les autres symptômes.  

Que doit-on en retenir ?

Cette étude a démontré clairement que le symptôme prédominant après l’ingestion de gluten est la nausée (et parfois les vomissements) et qu’il existe une forte corrélation entre le taux d’interleukine-2 et la nausée. Il y a donc un lien réel entre ce symptôme et la présence d’une réaction immunitaire. Dans ce cas, pourquoi dans la vie de tous les jours, la diarrhée et les douleurs abdominales sont les symptômes qui semblent le plus incommoder les patients cœliaques ?

Les chercheurs expliquent que dans la vraie vie, contrairement aux mélanges utilisés dans l’étude, les aliments qui contiennent du gluten recèlent souvent des FODMAPs. Le blé par exemple, est à la fois riche en gluten et en fructane, un sucre fermentescible. Donc lorsqu’on se contamine au gluten, on ingère en même temps des FODMAPs. Les personnes cœliaques sensibles aux FODMAPs risquent alors d’expérimenter toute une gamme de symptômes, incluant de la diarrhée et des douleurs abdominales. Ce que cette recherche ne permet pas de conclure pour le moment, c’est si la nausée était encore le symptôme prédominant lors de l’ingestion combinée de gluten ET de FODMAPs.

Il faut dire aussi que l’étude a été réalisée chez des sujets qui suivaient depuis longtemps une diète sans gluten. Les résultats ne s’appliquent pas aux personnes cœliaques non diagnostiquées ou qui ne suivent pas le régime de façon stricte. Chez ces personnes, les symptômes sont reliés non seulement à l’ingestion de gluten, mais aussi à la présence d’inflammation dans l’intestin grêle. La diarrhée et les douleurs abdominales font partie des symptômes fréquents lorsque la maladie n’est pas contrôlée.

Il est possible aussi que les gens réagissent différemment si d’autres doses de gluten étaient testées. Cette étude n’a examiné qu’une seule dose, de 6 g, soit l’équivalent d’environ 2 tranches de pain. Il faut aussi considérer d’autres biais importants de cette étude. D’abord le petit nombre de sujets (36), puis le fait que ceux-ci ont été sélectionnés parce qu’ils réagissent de façon importante à l’ingestion de gluten. Chez des sujets qui ont des réactions moins prononcées, le portrait des symptômes pourrait être différent.

Quoi qu’il en soit, l’étude demeure pertinente, puisqu’elle démontre que les symptômes associés au gluten sont souvent mis en cause, alors que dans certaines situations, ce pourrait être les FODMAPs qui le soient. Il faut garder en tête que tous les symptômes ont eu tendance à augmenter après la consommation de gluten, mais chez la majorité des gens qui avaient des symptômes, la nausée était présente. Elle semble donc un bon indicateur d’une contamination au gluten. Il est aussi intéressant de constater que les nausées et vomissements surviennent rapidement, c’est-à-dire moins de deux heures après l’ingestion de gluten. Voilà un autre indice qui permet d’alerter le consommateur sur une possible contamination au gluten.

Finalement, les chercheurs encouragent la communauté scientifique à refaire des études sur le sujet, notamment avec plusieurs doses de gluten, ainsi qu’avec des aliments contenant des FODMAPs, de manière à mieux cerner les symptômes que chacun occasionne.

Rédaction:

Christine Desjardins, Dt.P., M.Sc.
Nicole LeBlanc,  nutritionniste retraitée depuis 2021

Article paru dans le Magazine Coeliaque Québec Vol 37 N° 2 - Automne 2020

Références :

  1. Pinto-Sanchez I. Maria et al. Association Between Inflammatory Bowel Diseases and Celiac Disease: A Systematic Review and Meta-Analysis. Gastroenterology. 8 mai 2020;S0016-5085(20)30609-0.
  2. Daveson A.M. James et al. Masked bolus gluten challenge low in FODMAPs implicates nausea and vomiting as key symptoms associated with immune activation in treated coeliac disease. Aliment Pharmacology & Therapeutics. 2020;51:244–252.
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