Jacqueline Simoneau, une volonté à toute épreuve

Rédaction : Clémence Risler
Paru dans Le Magazine Coeliaque Québec, Vol 37 N° 3 - Hiver 2020

Tant dans sa pratique sportive que dans son parcours avec la maladie cœliaque, la jeune athlète olympique de natation artistique Jacqueline Simoneau est un exemple inspirant de persévérance. Rencontre avec celle qui s’est récemment jointe à Cœliaque Québec à titre de porte-parole.

Jacqueline Simoneau« C’est un honneur pour moi de m’impliquer auprès de Cœliaque Québec, affirme Jacqueline Simoneau. Quand j’ai été diagnostiquée, très peu de ressources existaient pour guider les personnes atteintes de cette maladie. Je trouve donc important d’appuyer un organisme qui contribue à aider et à informer les gens. »

L’athlète était très jeune lorsque les premiers symptômes de la maladie cœliaque ont commencé à se manifester. « Je devais avoir environ 4 ans et mes parents ne comprenaient pas du tout ce qui se passait », relate celle qui est aujourd’hui âgée de 24 ans.

C’est à partir de six ou sept ans, quand elle s’est mise à faire beaucoup de sport, que les manifestations ont commencé à être plus aigües. « Je suis devenue encore plus malade à ce moment. Je me sentais constamment faible et fatiguée et je perdais beaucoup de cheveux. Même si j’adorais l’école, j’avais de plus en plus de difficulté à rester concentrée et, à un certain point, je n’arrivais plus du tout à écouter en classe. L’école appelait souvent mes parents pour qu’ils viennent me chercher et, souvent, on se rendait directement à l’hôpital. Bref, ça n’allait plus du tout. »

À cette époque, Jacqueline s’entraînait assidûment dans un club de plongeon. « Ma mère, qui a toujours été là pour m’appuyer, voulait s’assurer que j’aie assez d’énergie et me nourrissait avec des aliments contenant beaucoup de glucides, dont beaucoup de pâtes et de pain. »

À la croisée des chemins

Durant son enfance, Jacqueline multiplie les visites chez son pédiatre, mais celui-ci, en dépit des nombreux tests qu’il lui fait passer, n’arrive pas à mettre le doigt sur ce qui lui cause tant de soucis de santé. C’est finalement à neuf ans, après analyse sanguine et endoscopie, qu’elle reçoit le diagnostic de maladie cœliaque. Son pédiatre la réfère alors à une gastroentérologue pour faire le suivi avec la maladie.

«Lors de mon premier rendez-vous, la spécialiste m’a annoncé que je devais mettre une croix sur l’entraînement et sur mes ambitions concernant le sport de haut niveau. Elle affirmait que je serais incapable de parvenir à me nourrir pour avoir l’énergie nécessaire».Lors de mon premier rendez-vous, la spécialiste m’a annoncé que je devais mettre une croix sur l’entraînement et sur mes ambitions concernant le sport de haut niveau.

Pour la jeune Jacqueline, dont la passion du sport était immense et qui se voyait déjà aux Olympiques, impossible de se résoudre à cette idée : «Sur le coup, je ne savais pas comment réagir, j’ai pleuré, j’étais fâchée. Mais j’ai quand même trouvé le courage de lui dire que non, je ne cesserais pas de faire du sport. Que j’allais être capable de continuer !»

L’avenir lui a bien donné raison. Quelques mois après avoir entamé la diète sans gluten, elle a retrouvé la masse musculaire qu’elle avait perdue, tout comme son énergie, et a cessé de perdre ses cheveux. Et, surtout, elle a retrouvé tout l’entrain nécessaire pour se vouer corps et âme à ses activités sportives.

Sport et maladie cœliaque

Sa pratique de la natation artistique l’a vite menée à participer à des épreuves dans différentes provinces canadiennes. «Mon alimentation avant les compétitions consistait surtout à manger de la viande et des légumes en remplacement des glucides. Lors de mes voyages ailleurs au Canada, c’était assez facile de m’alimenter en évitant le gluten. Je voyais que je devais m’alimenter différemment de mes coéquipières et des autres athlètes, mais ça ne me posait pas de problèmes», se souvient-elle.

Les choses se sont compliquées lors de ses premières compétitions en Europe alors qu’elle avait environ 12 ans. « Il a fallu que je m’ajuste, car pour la première fois je faisais face à beaucoup d’incompréhension. J’ai dû imprimer des cartes dans plusieurs langues pour expliquer en quoi consistait la maladie cœliaque et ce que je ne pouvais pas manger. Au début, j’avais honte de partager ça, parce que j’étais à un âge où l’on ne veut pas être différent des autres. »

En 2013, alors qu’elle se joint à l’équipe olympique canadienne, elle est appelée à voyager encore davantage, dans parfois plus d’une douzaine de pays par année. « En général, ça se passe bien quand je suis à l’étranger. En Europe, c’est particulièrement facile de trouver des options sans gluten dans les restaurants et les épiceries », explique l’athlète, dont l’une des seules expériences négatives s’est déroulée au Japon.

« Je m’y entraînais en 2014 et je me suis mise à reperdre de la masse musculaire, à me sentir fatiguée et à manquer de concentration. Après quelque temps, je me suis rendu compte que malgré toutes mes précautions, mon alimentation était contaminée par le gluten. J’ai bien appris de cette expérience. L’an prochain, lors des Jeux olympiques de Tokyo, je sais que je devrai m’en tenir à du riz blanc, du tofu et à du poisson le moins apprêté possible ».

Elle se remémore aussi des championnats du monde qui ont eu lieu en Russie en 2015 : «Je ne pouvais pas communiquer ni en français ni en anglais, et je n’arrivais pas à avoir d’indications sur les ingrédients du repas qu’on nous avait servi. Je me suis donc abstenu de manger. Habituellement, je traîne plein de collations dans mes valises au cas où ce genre de situation arriverait, mais cette fois-là, mes réserves étaient épuisées… c’est du moins ce que je pensais ! J’ai dû m’entraîner plusieurs heures en ayant seulement consommé un fruit et un jus que mon entraîneur avait réussi à me trouver dans un dépanneur. Mais le plus drôle : je me suis finalement rendu compte qu’il me restait des collations dans mes bagages !»

La vie d’athlète exige d’être capable de s’adapter à toutes sortes d’environnements et à toutes sortes de situations. C’est pourquoi Jacqueline Simoneau considère que le sport a forgé certaines facettes de sa personnalité qui l’aident à mieux vivre avec la maladie cœliaque, comme sa ténacité.

À tous les jeunes qui croient que la maladie pourrait leur mettre des bâtons dans les roues quant à la réalisation de leurs rêves, elle conseille de ne surtout pas se laisser décourager. «C’est vrai qu’au début, on a l’impression que ça vire notre vie à l’envers, mais il ne faut pas avoir peur d’en parler autour de nous. J’avais très peur de déranger avec mes restrictions alimentaires, peur de passer pour quelqu’un de difficile, mais j’ai réalisé au fil des ans qu’il y a toujours des gens qui comprennent notre réalité et qui sont là pour nous appuyer.»

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