Ataxie au gluten, de l'intestin au cerveau

Une autre maladie induite pour le gluten appelée ataxie au gluten (AG) s'est ajoutée à la liste. Cependant, cette maladie est moins fréquente que les autres maladies induites par le gluten incluant la maladie cœliaque (intestin) et la dermatite herpétiforme (peau), mais ses conséquences sont plus invalidantes même après l'introduction d'un régime sans gluten (RSG).

Ataxie au gluten

L'ataxie au gluten (AG) est une affection neurologique caractérisée par la perte de la maîtrise de l'équilibre et la coordination des mouvements en raison de l'ingestion de gluten qui stimule le système immunitaire pour produire des anticorps nuisibles aux neurones du cervelet. Ce dernier est le siège central du cerveau pour contrôler la coordination des mouvements complexes comme la marche et la parole. Par conséquent, les lésions du cervelet touchant les neurones sont irréversibles, car les neurones ne peuvent pas se renouveler comme les cellules de l’intestin ou de la peau. À cet effet, le délai du diagnostic précoce de cette pathologie est crucial et l’introduction du RSG doit être commencée aussitôt afin d'éviter des conséquences invalidantes à vie(1).

Symptômes

Les symptômes classiques de cette neuropathie causée par le gluten se distinguent par la perte de l’équilibre des membres supérieurs et inférieurs qui provoquent de la difficulté à marcher et les chutes sont assez fréquentes. De même, les patients peuvent présenter des difficultés dans l’élocution (troubles de la parole), à déglutir et des tremblements qui rendent les mains moins habiles (2). Physiopathologie C’est au début des années 2000 que l’on a pu déterminer une cause physiopathologique associée à ce syndrome de cause inconnue. Plusieurs études ont confirmé le rôle potentiel pathogénique des auto-anticorps retrouvés chez les patients avec une AG isolée ou associée à la maladie cœliaque. Des dépôts d'anticorps spécifiques à la transglutaminase tissulaire 6 (tTG6) ont été trouvés dans les tissus du cerveau obtenus à partir d'échantillons de biopsie et d'autopsie(3). La tTG6 exprimée dans le cervelet appartient à la même famille de la transglutaminase tissulaire 2 (tTG2) exprimée par les entérocytes (cellules de l’intestin) et reconnue par les anticorps retrouvés chez les patients avec la maladie cœliaque. De même, on retrouve chez environ 60 % de patients atteint d'AG des anticorps anti-gliadine (contre le gluten) par rapport à 10 % dans la population normale. Le cervelet est la partie du cerveau qui montre une vulnérabilité particulière aux lésions provoquées par le système immunitaire. En effet, des données récentes suggèrent que ces auto-anticorps anti-tTG6 ciblent et réagissent avec les cellules de Purkinje pour provoquer leur perte responsable d'invalidité permanente (ataxie) des patients atteints d'AG. Par ailleurs, des dépôts d'anticorps antitTg2 ont été retrouvés dans l’intestin grêle des patients  atteints d'AG sans les problèmes liés à la maladie cœliaque (perte de villosité des cellules intestinales)(4). Le rôle de ces anticorps dans cette pathologie a été confirmé par une étude récente démontrant que les anticorps provenant de patients atteints d'AG peuvent transférer la maladie chez des souris (5).

Conclusion

L’ataxie au gluten est une maladie auto-immune déclenchée par l'ingestion de gluten. Elle doit être considérée dans le diagnostic différentiel des patients atteints de l'ataxie sporadique idiopathique (cause inconnue). Le diagnostic précoce et le traitement avec un régime sans gluten peuvent améliorer l'ataxie et empêcher sa progression. Le suivi rigoureux du régime sans gluten évitera la destruction massive et totale des neurones du cervelet et empêchera l’invalidité permanente. En effet, la disponibilité de marqueurs spécifiques à l’AG comprenant les anticorps anti-gliadine, anti-tTg6 sont des marqueurs fiables pour le diagnostic. Toutefois, des travaux expérimentaux complémentaires sont nécessaires pour authentifier le rôle de ces anticorps dans la survenue des symptômes neurologiques retrouvés dans l’AG. Enfin, il est bien important de signaler qu’un certain nombre de patients avec une maladie cœliaque non diagnostiquée et non traitée est prédisposé à développer un AG secondaire, car plus de 50 % de patients atteints d'AG développent des entéropathies et/ou des marqueurs sérologiques liés à la maladie cœliaque (2).

Par Dr Idriss Djilali-Saïah, Immunologiste et chercheur
Paru dans le magazine Info Coeliaque Vol 31 N°3 - Hiver 2014
 
Références

  1. Ludvigsson JF, Leffler DA, Bai JC, Biagi F, Fasano A, Green PH, Hadjivassiliou M, Kaukinen K, Kelly CP, Leonard JN, Lundin KE, Murray JA, Sanders DS, Walker MM, Zingone F, Ciacci C. The Oslo definitions for coeliac disease and related terms. Gut. 2013 Jan;62(1) :43-52.
  2. Hadjivassiliou M, Sanders DS, Woodroofe N, Williamson C, Grünewald RA. Gluten ataxia. Cerebellum. 2008;7(3) :494-8.
  3. Hadjivassiliou M, Aeschlimann P, Sanders DS, Mäki M, Kaukinen K, Grünewald RA, Bandmann O, Woodroofe N, Haddock G, Aeschlimann DP. Transglutaminase 6 antibodies in the diagnosis of gluten ataxia. Neurology. 2013 May 7;80(19):1740-5.
  4. Sapone A, Bai JC, Ciacci C, Dolinsek J, Green PH, Hadjivassiliou M, Kaukinen K, Rostami K, Sanders DS, Schumann M, Ullrich R, Villalta D, Volta U, Catassi C, Fasano A. Spectrum of gluten-related disorders: consensus on new nomenclature and classification. BMC Med. 2012 Feb 7;10:13.
  5. Tarlac V, Kelly L, Nag N, Allen-Graham J, Anderson RP, Storey E. HLA-DR3-DQ2 mice do not develop ataxia in the presence of high titre anti-gliadin antibodies. Cerebellum. 2013 Jun;12(3):370-6.   

 

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