La maladie cœliaque : impact sur le cycle menstruel et reproductif

Rédaction : Dre Marie-Danielle Dionne, obstétricienne-gynécologue, médecine maternelle et foetale, au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et à la Clinique médicale 3000.

Article paru dans Le Magazine Cœliaque Québec, Vol 38 N° 1, Printemps-Été 2021. 
 

La maladie cœliaque est connue pour sa longue liste de symptômes et de complications possibles. Les patients évoquent souvent la présence de problèmes gastro-intestinaux. Or, tous les cœliaques ne souffrent pas nécessairement de ce type de manifestations. Certains ne ressentent même aucun symptôme. La maladie est alors dépistée après la découverte fortuite d’une complication silencieuse comme... l’infertilité ! Cet article présente les liens possibles entre la maladie coeliaque et le cycle menstruel et reproductif.

Au cours des dernières années, plusieurs effets causés par la maladie coeliaque sur le cycle menstruel et les fonctions reproductives ont été observés. Malheureusement, les études sur le sujet sont encore peu nombreuses et leurs résultats n’arrivent pas toujours aux mêmes conclusions.

Il existe deux hypothèses pour expliquer l’impact de la maladie coeliaque sur la vie reproductive. La mauvaise absorption des nutriments et vitamines occasionnée par la maladie en est une. Le corps se protège en gardant pour lui le maximum de nutriments, plutôt que d’en fournir pour la croissance du bébé. Il s’agit d’une sorte de protection de survie.

Deuxièmement, il semble que les anticorps anti-transglutaminase, en cause dans la maladie coeliaque, ont des effets sur les cellules du placenta. Heureusement, nous savons que lorsque la diète sans gluten est bien suivie, que la muqueuse intestinale est guérie et que l’état nutritionnel s’améliore, ces anticorps diminuent.

Les femmes souffrant de la maladie coeliaque non traitée ont plus souvent une puberté légèrement retardée que les jeunes filles de leur âge. Elles ont aussi plus souvent des anomalies du cycle menstruel avec des irrégularités et des absences de règles de façon prolongée. Il est également possible que leur ménopause débute un peu plus tôt, les années de fertilité sont donc réduites1.

La fertilité

Chez les femmes souffrant d’infertilité (difficulté de concevoir un enfant sur une période d’au moins un an), plusieurs tests sont effectués pour en déterminer les causes. Elles se catégorisent généralement en quatre grandes catégories : l’absence d’ovulation ou ovulation irrégulière (dysfonction ovulatoire), les problèmes liés aux trompes de Fallope (facteurs tubaires), les causes masculines (facteurs mâles ou anomalie liée aux spermatozoïdes) et les causes inexpliquées. L’infertilité inexpliquée est évoquée dans 15-20 % des couples ayant des difficultés à concevoir un enfant. Il est possible que la maladie coeliaque non traitée soit un facteur qui contribue à l’infertilité inexpliquée2.

Certaines études ont démontré que, parmi ces couples ou ces femmes infertiles, il y avait plus de patients ayant des anticorps anti-transglutaminase élevés n’ayant pas reçu de diagnostic de maladie coeliaque3,4.

Cette information est encore débattue puisqu’il y a des résultats contradictoires à ce sujet dans la littérature médicale. Aussi, il y a peu d’études sur le sujet et elles ne comptent pas toujours un nombre suffisant de patientes pour nous permettre de conclure à la présence d’une réelle association.

Il ne semble pas y avoir d’effet de la maladie coeliaque sur la fertilité des hommes, du moins, ça ne semble pas avoir été démontré scientifiquement. La maladie coeliaque pourrait avoir un impact sur la fertilité, mais également la présence de maladies associées. Il est connu que les personnes souffrant de maladie coeliaque sont plus susceptibles d’être atteintes d’une maladie auto-immune tels l’hypothyroïdie et le diabète de type 1. Ces affections peuvent diminuer les chances d’avoir une grossesse lorsqu’elles ne sont pas traitées de façon optimale. Pour améliorer ses chances de concevoir un enfant, la clé est le suivi médical !

Fausses couches

La perte du bébé lors d’une fausse couche est un événement difficile à vivre pour les femmes et les couples. Il s’agit d’un réel deuil et comprendre ce qui s’est passé fait partie du processus d’acceptation. Malheureusement, il est souvent difficile d’en connaître spécifiquement la cause.

Il est bien connu que des anomalies au niveau de l’embryon sont  souvent une cause de la fausse couche. L’impact de plusieurs maladies ou des habitudes de vie peuvent aussi y être pour quelque chose. La maladie coeliaque semble faire partie de celles qui augmentent le risque de faire une fausse couche. Ceci est surtout observable chez les patientes qui ne suivent pas de diète sans gluten au cours des quelques années précédant le diagnostic (2 à 5 ans).

Complications de grossesse

Certaines complications de la grossesse ont aussi été observées plus souvent chez les femmes qui n’étaient pas traitées pour la maladie coeliaque ou durant les quelques années précédant le diagnostic. Entre autres, les femmes non traitées ont plus souvent des bébés de petit poids, voire avec une restriction de croissance.

En effet, puisque la muqueuse de l’intestin d’une femme coeliaque est endommagée, les nutriments et les vitamines pourraient être insuffisants pour la croissance de leur bébé. Cependant, avec un bon suivi de la diète sans gluten et l’amélioration de l’absorption des nutriments, la croissance du bébé a toutes les chances d’être normale.

Il est possible qu’il y ait un lien entre la maladie coeliaque et le risque d’accouchement prématuré. Ce lien est difficile à expliquer. Heureusement, il diminue énormément avec une diète stricte sans gluten4.

Plusieurs autres complications de la grossesse ont aussi été étudiées, mais les résultats de ces études ne démontrent pas de lien avec la maladie coeliaque5,6.

La grossesse n’a aucun effet négatif sur la maladie coeliaque, tant que la femme enceinte ne succombe pas à une envie bizarre de manger du pain de blé farci aux cornichons et à la crème glacée. En quinze ans de pratique médicale auprès des femmes enceintes, je n’ai jamais vu de telle envie irrépressible.
 


Conclusion

La majorité des effets néfastes de la maladie coeliaque sur la fertilité, la grossesse ou le bébé s’estompent complètement chez les femmes qui suivent leur traitement sans gluten. Le problème réside donc à diagnostiquer les femmes plus tôt dans leur vie, à être plus vigilant quant aux symptômes et aux facteurs de risques de la maladie. Coeliaque Québec a récemment développé l’outil Diagnostic de la maladie coeliaque, étape par étape, qui permet de mieux dépister la maladie et de réduire le délai du diagnostic. Il sera remis lors de la formation du 28 mai prochain dans le cadre de la Formation pour les professionnels de la santé du Rendez-vous Coeliaque Québec. Vous pourrez également le télécharger à l’adresse suivante : https://www.coeliaque.quebec/fr/formation-professionnels.

Pour une belle grossesse et un bébé en santé, il est essentiel que les futures mamans atteintes de maladie coeliaque adhèrent au régime sans gluten de façon stricte. Si, malgré une alimentation sans gluten stricte, elles expérimentent des difficultés à concevoir un enfant, elles ne doivent pas hésiter à en parler à leur médecin ou à leur gastroentérologue. Ces derniers pourront effectuer plusieurs vérifications pour savoir si la maladie est encore active, par exemple le taux d’anticorps, l’état de la muqueuse intestinale ou la présence de carences nutritionnelles. Au besoin, ils pourront aussi diriger la future mère vers les spécialistes appropriés.

 
Références

  1. Moleski SM, Lindenmeyer CC, Veloski JJ, Miller RS, Miller CL, Kastenberg D, DiMarino AJ. Increased rates of pregnancy complications in women with celiac disease. Ann Gastroenterol. 2015 Apr-Jun;28(2):236-240. PMID: 25831067; PMCID: PMC4367213.
  2. Tersigni C, Castellani R, de Waure C, Fattorossi A, De Spirito M, Gasbarrini A, Scambia G, Di Simone N. Celiac disease and reproductive disorders: meta-analysis of epidemiologic  associations and potential pathogenic mechanisms. Hum Reprod Update. 2014 Jul-Aug;20(4):582-93. doi: 10.1093/humupd/dmu007. Epub 2014 Mar 11. PMID: 24619876.
  3. Singh P, Arora S, Lal S, Strand TA, Makharia GK. Celiac Disease in Women With Infertility: A Meta-Analysis. J Clin Gastroenterol. 2016 Jan;50(1):33-9. doi: 10.1097/ MCG.0000000000000285. PMID: 25564410.
  4. Castaño M, Gómez-Gordo R, Cuevas D, Núñez C. Systematic Review and Meta-Analysis of Prevalence of Coeliac Disease in Women with Infertility. Nutrients. 2019 Aug 20;11(8):1950. doi: 10.3390/nu11081950. PMID: 31434238; PMCID: PMC6723639.
  5. Grode L, Bech BH, Plana-Ripoll O, Bliddal M, Agerholm IE, Humaidan P, Ramlau-Hansen CH. Reproductive life in women with celiac disease; a nationwide, population-based matched cohort study. Hum Reprod. 2018 Aug 1;33(8):1538-1547. doi: 10.1093/humrep/dey214. PMID: 9912336.
  6. Saccone G, Berghella V, Sarno L, Maruotti GM, Cetin I, Greco L, Khashan AS, McCarthy F, Martinelli D, Fortunato F, Martinelli P. Celiac disease and obstetric complications: a systematic review and metaanalysis. Am J Obstet Gynecol. 2016 Feb;214(2):225-234. doi: 10.1016/j.ajog.2015.09.080. Epub 2015 Oct 9. PMID: 26432464.

 

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