Si son visage est si familier, c’est que Denis Trudel fait partie de notre paysage télévisuel depuis plus de 20 ans. En octobre dernier, le comédien embrassait aussi la vie politique en devenant député du Bloc Québécois pour la circonscription Longueuil – Saint-Hubert. Il nous parle aujourd’hui de son parcours avec la maladie cœliaque.
« C’est totalement par hasard que j’ai appris que j’avais la maladie cœliaque », affirme d’emblée l’acteur qui a tenu des rôles dans Victor Lessard, District 31, La Galère et 19-2 pour ne nommer que quelques-uns des projets auxquels il a pris part. « Jusqu’à 40 ans, comme bien des gens, tout allait bien et je ne me préoccupais pas vraiment de ma santé. » Le vent a tourné à l’arrivée de son premier enfant, au début des années 2000. «Devenir père a remis beaucoup de choses en perspective et m’a tout à coup fait prendre conscience de l’importance d’être là encore longtemps, confie-t-il. Quand on est jeune, on se croit éternel et je n’avais jamais senti le besoin d’aller voir le médecin.»
Une prise de sang révèle alors un taux de fer anormalement bas que le médecin n’arrive pas à expliquer. De fil en aiguille, et après différents tests, Denis Trudel aboutit dans le bureau d’un gastroentérologue qui lui fait passer une gastroscopie. «L’examen venait juste de commencer quand le docteur a immédiatement mis le doigt sur la cause de mon anémie et s’est même exclamé " ah, mon dieu, vous avez la maladie cœliaque ! ". Je n’avais aucune idée de ce que cela voulait dire, et si c’était grave ou pas. Je n’avais jamais entendu ce mot-là de toute ma vie !»
Quand les tests ont bel et bien confirmé la présence de la maladie cœliaque, un autre terme inconnu allait être prononcé : «gluten». Le médecin m’a expliqué ce qu’impliquait cette maladie et que la seule chose à faire était d’exclure le gluten de mon alimentation. « Ça a d’abord été un choc d’apprendre que j’avais une maladie qui ne se guérissait pas et pour laquelle il n’existait pas de traitement pharmacologique, mais aussi de réaliser que je devais m’embarquer dans une démarche que je percevais alors comme très complexe.»
Traquer le gluten
Comme la plupart des personnes nouvellement diagnostiquées, M. Trudel n’avait aucune idée à quel point le gluten pouvait se cacher partout. «Ça a nécessité beaucoup d’apprentissage et d’adaptation, se remémore-t-il, mais avec le recul et l’expérience que j’ai aujourd’hui, j’ai de la difficulté à concevoir comment ça a pu être aussi laborieux. L’alimentation sans gluten est tellement rendue facile et intégrée à ma vie que ce n’est plus une préoccupation. Mais il faut quand même dire qu’à l’époque, les produits sans gluten étaient plus rares et plus ardus à trouver. Je suis chanceux, car tout près de chez moi, il y a une épicerie d’aliments naturels qui a une grande section de produits SANS GLUTEN. Je peux donc me procurer tout ce dont j’ai besoin.»
L’un des aspects qui a sans doute facilité sa transition vers une diète exempte de gluten est que sa famille s’est aussi, dans une certaine mesure, ajustée à ses contraintes. «Avec l’horaire chargé d’une famille avec de jeunes enfants, on s’est vite aperçu qu’on ne pouvait pas toujours préparer deux repas distincts, explique le père dont les enfants sont aujourd’hui âgés de 11 et 16 ans. Alors certaines de nos recettes sont sans gluten, comme les pâtes et les gâteaux.»
Denis Trudel reconnaît aussi un autre aspect qui peut compliquer la vie des cœliaques dans le tourbillon du quotidien : se soumettre aux démarches exigées pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt. «J’essaie de garder toutes mes factures qui concernent l’achat de produits sans gluten, mais je suis bien conscient que je dois en oublier quelques-unes, soutient-il. Je les remets ensuite à mon comptable qui s’occupe de faire les calculs entre le montant de mes achats et celui que ça m’aurait coûté pour des produits réguliers. Si je n’avais pas de comptable pour se charger de cette tâche, ça représenterait certainement quelques heures pour la faire moi-même. Je comprends très bien que certaines personnes choisissent de laisser faire et de ne pas aller au bout de la démarche.»
Conciliation travail-alimentation
Là où ça se complique pour Denis Trudel, c’est sur les plateaux de tournage des émissions auxquelles il prend part. «Même si mon agence avise les équipes de production que je ne dois pas consommer de gluten, souvent ils n’y pensent pas. Je me retrouve donc à ne pas pouvoir manger le repas qui est servi à tous. Je dois toujours avoir un plan B», soutient celui qui souligne par ailleurs que le problème ne se pose pas lorsqu’il siège à Ottawa comme député : «Là-bas, ils connaissent très bien les enjeux liés au gluten et je sais que je peux faire entièrement confiance aux repas qui me sont offerts. Je dois toutefois prendre la route chaque semaine et, durant les trajets, il y a peu d’options sans gluten, car aux abords des grandes routes, il y a surtout des fast-foods », observe-t-il avant de conclure que beaucoup de choses ont changé pour les cœliaques depuis que lui-même l’est devenu il y a 15 ans, mais qu’il reste encore un bon bout de chemin à faire sur le plan de la sensibilisation à la maladie.
Par Clémence Risler
Paru dans le magazine Coeliaque Québec Printemps-Été 2020