Lise Chamberland, infirmière

Les travailleurs de la santé se sont dévoués corps et âme durant la pandémie pour veiller sur les plus vulnérables. Infirmière gestionnaire dans une ressource intermédiaire de la région de Québec, Lise Chamberland faisait partie de ceux que le premier ministre a surnommés nos « anges gardiens ». Elle nous parle de son expérience et explique comment le fait d’être atteinte de la maladie cœliaque lui a donné quelques cordes supplémentaires à son arc.

Lise ChamberlandIl y a quatre ans, lorsque Lise Chamberland a reçu le diagnostic, le plus dur à encaisser a été de réaliser à quel point l’éviction du gluten avait d’importantes répercussions dans son mode de vie. « J’ai eu un choc en me rendant compte que beaucoup de nos contacts sociaux tournent autour de la nourriture, témoigne-t-elle. Au début, j’ai mis une croix sur toutes les occasions que j’avais de manger avec d’autres personnes, que ce soit les collègues, les amis ou la famille. Il y a même certaines personnes de mon entourage qui ne comprenaient pas pourquoi je devais prendre tant de précautions. Cela a eu comme conséquence que je me suis carrément isolée.   Disons que lorsque le confinement a été annoncé, j’étais déjà bien préparée ! », dit-elle.

Mieux accepter et mieux s’adapter

Au-delà du fait de ne pas être déstabilisée par l’isolement imposé lorsque la COVID-19 s’est invitée dans la vie de la population mondiale, Lise Chamberland a pu constater qu’elle était devenue, au cours des dernières années, plus résiliente qu’elle ne l’avait été auparavant.

«Quand la crise a éclaté, au lieu de m’apitoyer, j’ai tout de suite eu le réflexe de me demander ce qu’on pouvait modifier dans notre milieu de travail, et je me suis rapidement mise en mode solution, relate-t-elle. Par exemple, dans le centre où je travaille, nous nous occupons de 12 personnes âgées en perte d’autonomie. Nous aurions pu les isoler dans leur chambre, mais je me suis plutôt empressée de trouver des manières de continuer à leur offrir des loisirs et à les faire marcher. On leur a aussi vite fourni des tablettes pour qu’ils puissent communiquer avec leurs proches.»

Cette capacité à rebondir devant les imprévus, Lise Chamberland l’a développée par la force des choses : «Je pense que la maladie m’a appris à mieux me préparer et à mieux m’adapter, avance-t-elle. J’anticipe toujours que ça pourrait ne pas se passer comme prévu, alors je me prépare de manière à être capable de me revirer de bord rapidement».

Car des imprévus, avec la maladie cœliaque, elle en a rencontré tout un lot, surtout dans les mois qui ont suivi le diagnostic: «Je me rappelle par exemple d’un party de Noël du travail où je me suis retrouvée à ne rien pouvoir manger de ce qui était proposé, même si le service de traiteur avait pris en note mes restrictions. Ce soir-là, j’ai dû me rabattre sur la barre tendre que je gardais dans ma voiture! J’ai aussi déjà jeûné près de deux jours lors d’un voyage en France. J’avais premièrement oublié de demander à la compagnie aérienne qu’un repas sans gluten me soit servi à bord. Puis, en débarquant, ça a pris du temps avant que je puisse aller dans une épicerie », se souvient celle qui ne va jamais plus nulle part sans sa boîte à lunch bien remplie. « Je me suis maintenant habituée à toujours avoir sous la main de quoi manger. D’ailleurs, quand les gens se sont rués dans les épiceries au printemps dernier, je n’ai pas été inquiète: j’avais déjà mes réserves !»

Apprivoiser la peur

Bien qu’aucun résident ni employé du centre où elle travaille n’ait attrapé la COVID-19 tant redoutée, le stress au sein de l’équipe soignante était à son apogée : « Une menace nous planait au-dessus de la tête et les membres du personnel étaient terrorisés à l’idée que ce soit eux qui pourraient faire entrer le virus dans l’établissement. Nous avons donc tous fait de grands sacrifices : nous avons entre autres changé nos habitudes de vie, comme aller moins souvent à l’épicerie. Même quand le déconfinement a commencé, on est demeurés extrêmement prudents, car on ne savait pas comment les choses allaient évoluer. »

Mme Chamberland affirme aussi que dans un certain sens, la maladie cœliaque a pu lui apprendre à vivre avec une menace constante. « Comme tous les gens qui apprennent qu’ils sont atteints d’une maladie chronique, j’ai eu très peur au début. La menace ne se voit pas et peut se cacher dans des endroits qu’on ne soupçonne absolument pas, mais elle peut pourtant être très grave ! Avec le temps, je me suis adaptée à la diète et aux restrictions, j’ai appris à prendre les bonnes mesures et je suis peu à peu sortie de mon isolement. Quand la COVID-19 a commencé à se propager, j’étais donc déjà passée par le processus que plusieurs vivaient pour la première fois, avec les barrières psychologiques qui se dressent rapidement et qui doivent ensuite s’abaisser », conclut-elle, en soulignant que cette menace de tous les instants lui a fait réaliser l’importance d’apprécier et de reconnaître le grand privilège qu’on a d’être là aujourd’hui. Comme quoi la gratitude est une autre force qui peut être développée dans les moments difficiles.

Par Clémence Risler
Article paru dane Le Magazine Coeliaque Québec Vol 37 N° 2 - Automne 2020

 

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